DÉCOUVERTE DU GERME A ELLEZELLES EN 1895
Nous sommes le 14 décembre 1895, à Ellezelles dans le Hainaut belge; toute la population est en émoi.
La veille s'était déroulé l'enterrement d'un important notable, président de la Société de musique. A l'issue de la cérémonie, comme il est de bonne tradition la veuve avait invité, à l'estaminet du village, les musiciens à participer à un copieux repas de funérailles. Les boissons étaient abondantes, la chère de qualité: un magnifique jambon, en particulier, avait été très goûté, et minuit avait déjà sonné au clocher qu'on entendait encore les deniers éclats des chants, qui, selon la coutume, avaient accompagné la célébration des mérites du disparu.
Mais, ce matin, l'atmosphère était bien différente.
Déjà, en pleine nuit, le silence habituel des rues avait été rompu par le bruit de nombreux pas sur les pavés de pierre; d'urgence, le médecin avait été appelé en plusieurs maisons, auprès de musiciens atteints de violentes douleurs abdominales .le diarrhée, de vomissements.
Maintenant que toute la petite ville était éveillée, la nouvelle courait de bouche en bouche: la plupart des membres de la société de musique étaient au plus mal et présentaient de curieux symptômes, d'abord ils se plaignaient de troubles de la vue; ils voyaient trouble, ils voyaient double, ils louchaient; leurs pupilles étaient dilatées; ils avaient le regard fixe, ils ne pouvaient relever leurs paupières supérieures. Les médecins appelés concluaient à des paralysies oculaires bilatérales et symétriques.
Ensuite les malades accusaient une soif ardente, un étranglement de la gorge quand ils essayaient de boire, le liquide était rejeté par le nez; leur voix était sourde; ils avaient une peine intense à avaler. Les praticiens parlaient d'inhibition des sécrétions-muqueuses, de paralysies du voile du palais, des muscles du pharynx et du larynx, de l'oesophage.
D'autres musiciens avaient un intense météorisme, faisant penser à une occlusion intestinale, ou encore des troubles urinaires. La paralysie semblait ainsi gagner les muscles de l'intestin et de la vessie.
Quelques malades éprouvaient même une sorte de parésie de la racine des membres. Tous étaient en proie à une fatigue extrême; mais ils n'avaient pas de fièvre.
La rumeur d'un empoisonnement criminel, par les bavardages du concierge de l'hôtel de ville, gagnait les bureaux de la municipalité.
Au surplus, les jours suivants, la survenue de trois morts obligeait à en référer en haut lieu.
Tel le détective, van Ermengen débarque dans le pays (une petite valise jaune à la main, probablement); il interroge, il enquête.
Rapidement, il écarte l'hypothèse du crime: qui pourrait en vouloir à toute une société de musique ?
Il apprend que tous les musiciens malades, vers la fin du banquet, avaient mangé une portion du jambon cru: " aucun de ceux qui avaient laissé d'en prendre n'avait été indisposé ".
Mais, première énigme: quelques habitants de la cité, qui n'avaient pas participé au banquet, ont été malades. Van Ermengen se renseigne; il découvre que ces personnes " dans l'intervalle entre l'heure du repas et le moment où les graves accidents appelèrent l'attention sur le rôle néfaste que le jambon avait joué, avaient pris de cette viande; et ils avaient été frappés des mêmes troubles morbides ". Tout paraît donc accuser le jambon.
Deuxième énigme: un bon tiers des musiciens a échappé à tout accident. Van Ermengen les interroge, chacun en particulier; certains n'ont pris que du lard, ou une quantité très minime de maigre; on comprend qu'ils aient échappé à l'empoisonnement. Mais les autres racontent avoir pris trois, quatre portions! Van Ermengen a enfin l'explication: au sortir de table, ils avaient évacué leur dîner. Comme pour les excuser, il ajoute, de façon charmante: " les convives avaient usé largement de vins et de spiritueux divers; et tous les musiciens, à la fin de ce repas de funérailles, se trouvaient en état d'ébriété manifeste ".
L'autopsie des trois morts ne révèle la trace d'aucun toxique connu. Au contraire l'examen microbiologique du jambon montre la présence de bacilles. Van Ermengen arrive à cette conclusion: " il est hautement vraisemblable qu'un poison a pris naissance sous l'influence de ces micro-organismes spécifiques, qui ont végété dans le jambon, pendant qu'il plongeait dans la saumure, laquelle offrait des conditions favorables pour le développement des espèces anaérobies "
HISTORIQUE DU BOTULISME
Avant la découverte du germe de van Ermengen, les médecins allemands, au XVIII° siècle, avaient rapporté des intoxications collectives par du boudin avarié d'où le nom de botulisme (botulus: boudin).
Depuis 1895, le botulisme a été observé en tous pays; aux États-Unis, il a été rencontré le plus souvent à partir de conserves de légumes et de fruits; en Allemagne, la majorité des cas est attribuée aux conserves de viandes; en Russie, les poissons séchés jouent un pareil rôle.
En France, le botulisme, habituellement rare, a marqué une recrudescence pendant l'occupation allemande de 1940-44, en raison de la préparation des conserves ménagères dans la clandestinité. En dehors des formes typiques, analogues à celles d'Ellezelles, sont signalées: des formes frustes (formes ambulatoires de Legroux), marquées par quelques troubles oculaires, de la constipation, une sécheresse des muqueuses, et des formes foudroyantes; l'exemple le plus typique est le suivant: une maîtresse de maison ouvre un bocal contenant une conserve d'asperges qu'elle avait préparée au printemps précédent; elle la goûte; ne la trouvant pas savoureuse elle charge le jardinier de la jeter; celui-ci, moins délicat, mange les asperges, il meurt dans la nuit le surlendemain, sa patronne le suit dans la tombe.
Merci à Techmicrobio d'ou est originaire ce texte
Quelques liens sur le botulisme:
Article sur le Botulisme paru sur Ellezelles On Line en février 2004
FR: http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/cc/botulinum.html
FR: http://membres.lycos.fr/microbio/systematique/Botulisme_historique.html
NL : http://www.wvc.vlaanderen.be/epibul/25/botu98.htm
UK : http://www.thedoctorsdoctor.com/diseases/clostridium.htm
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