Les figurines de Pieman l'Enchanteur


La fontaine de la Place a fait verser des larmes aux Ellezellois qui la jugeaient trop haute. Mais depuis le lundi 01 avril 2002, elle leur donne le sourire. Le folk-art a agi.

Au Pays des sorcières, il y a toujours une potion magique prête à métamorphoser un ciel gris en quelque chose de souriant. Cette potion est tirée du chaudron commun où marinent le folklore, l'art et la bonne humeur locale. Mais il fallait encore trouver une bonne dose de culot pour oser tourner en dérision ce que les habitants ont appelé leur " mur des lamentations ".

Cette audace, les Ellezellois l'ont trouvée à l'occasion de leur fête du premier avril et dans l'appui financier du Contrat de pays formulé avec la Communauté française.

Le préjudice essuyé

Le " mur des lamentations" à Ellezelles entoure la fontaine qui a été érigée lors de la rénovation de la Place. Pour faire face au dénivelé des lieux, ce mur est vite devenu plus haut que prévu, au grand dam des passants qui jouissaient avant d'une vue dégagée sur l'église.

Des Ellezellois ont alors puisé dans leur bon vieux chaudron à idées et y ont pêché l'idée de décorer le " mur des lamentations ". Les bas -reliefs commandés sont devenus aujourd'hui des sujets d'attention à part entière, en formant un tableau du folklore ellezellois à visages découverts. Une sorcière grandeur nature est même venue parfaire l'ouvrage.

Ces figurines en polyester qui promènent aujourd'hui leurs couleurs et leurs formes le long de la fontaine sont nées des mains et de l'imagination de Christian Pieman, un des maîtres de l'ordre du Ramon (donc des sorcières).

 



L'empreinte artistique de cet Ellezellois, entré au service de la commune (où il gère différents projets d'animation), a pu déjà être appréciée à travers ses œuvres photographiques voire ses affiches du Sabbat.

Lui-même, qui a réalisé des polyesters pour le privé, hésite pourtant à se définir artiste, et préfère se présenter comme un créateur et un animateur du folklore. L'ouvrage qu'il a signé à l'entrée de la localité, côté Place et RN57, lui donne assurément sa plus belle carte de visite face au public.

En 2000, lors de l'inauguration de la maison du parc des Collines, il avait déjà été chargé d'apporter des motifs d'agrément à cette fontaine qui dérangeait l'opinion locale. Une poignée de créatures, semblant sorties du Sabbat, avaient ainsi masqué une partie de l'ex- croissance architecturale.

Un an plus tard, le défi s'est répété, une taille au-dessus.
" L'idée de transformer l'ensemble du mur a émergé l'été dernier; elle s'est précisée en septembre. Je me suis d'emblée mis à l'ouvrage. Ces derniers jours j'ai dû sacrifier quelques heures de la nuit pour peaufiner le travail à temps ".
Épaulé par son complice au Ramon, Claudy Devos, Christian s'est attelé à réaliser des bases en argile, avant d'effectuer le tirage en polyester. " Il s'agit d'une résine que je mélange à un catalyseur et à des fibres de verre. Ce matériau donne un résultat durable et léger à la fois. On l'utilise notamment dans la construction de bateaux et de voitures. Mais son inconvénient est de sécher très vite, ce qui exige un travail net et précis en un minimum de temps. " Environ trente-cinq figurines ont ainsi été mises au jour. Elles immortalisent les ténors modernes du folklore. Aux yeux de l'artiste, le tort de certains hommages est d'uniquement être rendus à titre posthume. Lui a voulu saluer le mérite des vivants qui portent haut l'image de marque d'Ellezelles. Les motifs, quand ils ne représentent pas une chouette ou un saule, épousent donc les traits d'un visage connu de la région. Heureux ceux qui pourront jauger en même temps la copie polyester et l'original.


L'inauguration a eu lieu ce 1er avril, pour la fête annuelle du poisson qui mobilise Ellezelles depuis 1984. Un deuxième rassemblement, pour le pur plaisir de la blague cette fois, lui a succédé lundi: un spectacle inauguré en la maison du parc n'était autre qu'un film montrant des célébrités locales sous toutes leurs coutures. Mais un troisième événement s'est joué en filigrane de cette liesse publique: à minuit, Christian soufflait ses 39 bougies.

 

Diaporama avec 41 images de l'inauguration ici

 

Myriame Mariaule

Source : Le courrier de l'Escaut du jeudi 4 avril 2002
Avec l'aimable autorisation de Francis Hostraete

 

Photos: Pascal Hyde