Circuits et promenades guidés

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Le Grand Chemin d'Ath à Renaix.


Nos " anciens " avaient coutume de dire : " il eu vyî komm'l kemin d'ât ", il est vieux comme le chemin d'Ath. Ils désignaient ainsi quelqu'un ou quelque chose d'un âge canonique.

Nous trouvons trace écrite de cette antique voie dans le bail que Jacques Regnier, laboureur à Oeudeghien, signe avec Arnould d'Yve, seigneur de Ramelz, en 1532 : " pour la maison, court, grange, marescauchie, coulombier, fournil, gardin, fossées d'eauwes, lieu pourpris, appelés la cense Daudelincamps (Orlincamps), contenant d'entrepresure, environ un demy bonnier, tenant au chemin allant à la ville d'Ath … ".
Le Grand chemin longe donc la ferme d'Orlincamps , sise à Oeudeghien, aux confins des villages de La Hamaide et d'Ostiches.

Le grand Chemin par Hugo Heymans Le grand Chemin par Hugo Heymans

Mais qu'était ce "Grand Chemin" ?

L'analyse des cartes qui retracent les campagnes militaires des 17e et 18e siècles nous montrent non pas un mais jusqu'à quatre itinéraires différents, tous plus ou moins parallèles. Il est vrai qu'en temps de guerre la célérité du mouvement est un facteur stratégique déterminant. Mais cela signifie aussi que plusieurs possibilités existaient.

Le géographe Vander Maelen nous le décrit en 1830 comme impraticable par temps de pluie ou de neige !

Arrivé à ce stade de notre réflexion il est utile de se pencher sur les contraintes du milieu.

A vol d'oiseau, les villes de Renaix et d'Ath sont distantes de 17 km selon une direction Nord-ouest - Sud-est. Une droite ainsi tracée passe, au sortir de Renaix, sur Ellezelles, loin du centre, aux confins de St Sauveur, de Frasnes et de Buissenal, par le site du château d'Hubertmont. On traverse La Hamaide, près du château d' Egmont, on laisse Oeudeghien à l'Ouest et Ostiches à l'Est. Ensuite c'est Bouvignies avant d'arriver à Ath.

Pour suivre cet axe, nous avons, après l'actuelle place Guisset à Renaix, la direction de la rue d'Ath, Aatstraat. Au sortir de la cuvette de Renaix, nous sommes obligés de traverser sept vallons successifs.


Trois sont situés dans la partie montueuse d'Ellezelles et de La Hamaide. Les ruisseaux d'Hubermont et du Ronsart peuvent être traversés respectivement au moulin Boucart et au moulin du Ronsart. L'abbé Meunier, dans sa monographie de La Hamaide, mentionne la formidable maçonnerie de pierre et de briques qui formait barrage pour retenir les eaux du moulin. Passé le bief on descend facilement jusqu'au Cornet, au bout de la drève qui menait au château de La Hamaide.

Un coup oeuil à la carte et on voit qu'un petit crochet permet d'éviter les trois vallons en passant par la ligne des crêtes qui sépare le bassin versant de la Rone, à l'Ouest, de celui de la Dendre, à l'Est. C'est l'hypothèse de Roger Cantraine. Elle permet de passer par deux auberges, le Rossignol et le Rouge Cul.

L'étape suivante est le passage du rieu du Gard, que l'on appelle Trimpont à partir d'Ostiches. Il coule dans une large plaine inondable. Du Cornet on plongeait vers le pont du Gâ (Gard), mentionné sur la plupart des cartes du 17e et du 18e siècles, avant d'arriver à la ferme d'Orlincamps.

Le Grand Chemin par Hugo Heymans
Au contraire, en dévalant des crêtes il devait être tentant de passer par la ferme château du Breucq puis de longer la chaussée Brunehaut. Cette antique chaussée romaine est la seule voie empierrée de nos collines avant la fin du 18e siècle. Ce qui devait garantir un passage plus aisé du Gard.
On arrivait ainsi à Oeudeghien où l'on pouvait, par le hameau des Pommiers qui abritait la grange aux dîmes de l'abbaye de Liessies, rejoindre Orlincamps. Ensuite, en passant par l'auberge du Coulon Rouge, à Ostiches, on rejoignait Bouvignies et enfin Ath. Cette auberge, comme le dit si joliment Paul Rasmont, correspondait aux stations-service et boutiques qui jalonnent aujourd'hui nos autoroutes !

Cette route emprunte plusieurs tronçons en chemin creux qui attestent de l'importance du passage. Le chemin est presque au niveau des thalwegs des ruisseaux, il a raboté les interfluves.

Pour conclure, je crois que nous pouvons avoir une pensée émue pour ceux qui empruntaient ces " Grands chemins ", qui ressemblaient aux pistes du Paris-Dakar, la boue et la neige en prime.
Il est difficile de se faire une idée de l'importance du trafic. On imagine pourtant nos tisserands qui se rendaient avec leurs excédents au marché aux toiles à Ath tout en croisant le messager qui portait nouvelle pour telle seigneurie.
Plus près de nous, la grand-mère de Paul Rasmont, qui tenait l'auberge du Coulon Rouge dans la deuxième moitié du 19e, rappelait ce cordonnier d'Ath faisant halte chaque samedi avec sur son dos un lot de chaussures destinées au marché de Renaix, qu'il rejoignait à pieds !
Nous en ferons autant, sans poids sur le dos, le dimanche 25 mars 2007. Nous ne ferons pas halte à l'auberge qui n'existe plus mais bien en l'Ecomusée du Pays des Collines où nous pourrons nous sustenter.

André Cotton.

Sources :

  • Abbé L.Meunier, Monographie historique de La Hamaide, Renaix 1935.
  • Willy Delhaye, Histoire de Frasnes-lez-Anvaing, t. I-III dans Annales du Cercle Royal d'histoire et d'archéologie d'Ath et de la région et musées athois, t LIII, LVII et LIX.
  • Cartothèque des Archives de la ville d'Ath.
  • Carte topographique : le Parc naturel du pays des Collines, IGN, 1/50 000e.
  • Interview de Roger Cantraine, novembre 2005.
  • Interview de Paul Rasmont, novembre 2005.
  • P. Rasmont, Ostiches, le long du Grand Chemin d'Ath à Renaix, dans Bulletin du Cercle Royal d'histoire et d'archéologie d'Ath et de la région, n° 71, septembre 1979, p. 74-79
  • Photos Hugo Heymans.
  • Informations pour la promenade :

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