L'industrie textile à Ellezelles.
L'industrie du lin.
(Rapport de M. LANNOY, chargé d'affaires, sur le commerce du lin, le 26 août 1849).
Depuis longtemps déjà, nos toiles ont cessé de paraître sur le marché d'où elles sont repoussées, parce que leur fabrication n'est pas appropriée au goût des consommateurs, et que les prix en sont plus élevés que ceux des tissus étrangers qui réunissent les conditions voulues de blanchiment, de légèreté, de pliage, de métrage et d'emballage qu'il était si essentiel de mieux observer si nous voulions conserver et agrandir un débouché que nous devons aujourd'hui nous efforcer de reconquérir.
Il n'y a jamais eu à Ellezelles de fabriques travaillant le lin. Cette occupation était familiale comme va vous le montrer une poésie de Jean-Baptiste Dedonder, bourgmestre d'Ellezelles de 1879 à 1885, poète et polémiste (Notons que le recensement industriel de 1846 signalait l'existence, dans le Tournaisis de 2 filatures de lin, 1 à Tournai et 1 à la main à Templeuve avec 202 ouvriers.)
LE TISSERAND. (Air à faire.) Refrain: Tic, tac! Vole ma navette! Va, viens et repasse encore, Sur l'air de ma chansonnette Roule, roule encore plus fort ! |
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Tous les jours ton bruyant tapage, Déjà ma fille en ses doigts roule Plus loin deux bambins en liesse Ma femme, va, viens et s'empresse Grâce à toi, navette volante ! |
En voyant là tous ceux que j'aime, L'artisan rangé sait connaître Oui le travail qui moralise Refrain: Tic, tac! Vole ma navette!
3 janvier 1863. |
Extrait du registre des mariages :
L'an dix huit cent douze le 13 may ......
et Marie Agnès Rolland âgée de vingt sept ans, profession
de FILEUSE DE LIN...
Vers 1860, la période linière disparaît et la reconversion
s'établit sans transition vers le coton et la laine. Des cours particuliers
recyclent les ouvriers .Les activités s'exercent toujours à domicile
sur des métiers rudimentaires. Chaque tisserand allait chercher une chaîne
pré-ensouplée et le fil de trame correspondant dans des dépôts
dont les premiers chez nous était Renaisiens.
Les tisserands reportaient les coupons au magasin et leur travail était
jugé. Ils étaient payés suivant le poids et la qualité
du travail.
En 1872, Charles Moreau-Jouret crée le premier dépôt. C'est l'origine de la grande activité textile industrielle dans notre commune.
Pendant 20 ans, Mr Moreau et un ouvrier préparent les chaînes et le fil de trame. Ils les confient aux tisserands locaux, dont le nombre atteignit parfois les 500.
En 1890, M. Jean Vinois qui avait épousé la fille du fondateur, Irma Moreau, crée la société " Jean Vinois-Moreau "
En 1902, il construit un premier bâtiment. On y trouve un magasin de matières premières et quelques machines de préparation.
Dès la fin du XIXe siècle et pendant plus d'un demi-siècle,
Ellezelles vit une période de prospérité.
En 1907, les Etablissements Vinois-Moreau donnent le signal du départ du développement de l'industrie textile à Ellezelles Signalons en passant que les promoteurs de cette industrie étaient Renaisiens : Vinois, Meunier, Dupont.
Les industries textiles ellezelloises naissent d'une extension de la région
renaisienne.
La main d'œuvre traditionnellement orientée vers l'industrie textile
a acquis une habileté manuelle qui est un élément appréciable
de consolidation de ces industries dans notre région.
Localisation des fabriques.
Au centre du village : les établissements Vinois-Moreau et fils
et le tissage Agnès et Lucien Debecq.
A la chaussée de Lessines : la manufacture de fils fantaisie Léon
Vinois. (Il avait acheté la lainière Ellezelloise des frères
De Smedt située à l'arrière du moulin vapeur Fontaine) vendue
plus tard à Lucien Dupont.
La deuxième implantation des établissements Léon Vinois située
contre l'école du Collège est devenue par après " L'Imprimé
textile ".
A la rue d'Audenarde : le tissage Vanderaspoilden - Dupire, l'usine Anselme Vinois rachetée par la " Drapière de la Vallée " et la bonneterie et l'atelier de confection de Pierre André. La gare a attiré les tissages Meunier Frères, Vanderaspoilden-Casière et Donckerwolke Père et Fille. A Fourquepire : Les usines Lejour Frères reprises par la " Drapière de la Vallée " et le tissage d'Emmanuel Delin. A Camp et Haies : la fabrique Vandewalle Frères. Le tissage Dusausoit au Grand Monchaut. Au Cinquant, les établissements Vandekerkhove Frères. Au Crimont et au Cinquant les établissements Cambier. Notons à la route de Lessines, l'association Gérard Matton.
Les industries textiles et de la confection au milieu du XXe siècle.
En 1960, les industries textiles et de la confection sont, par la main d'œuvre occupée, les plus importantes d'Ellezelles.
1. LA FILATURE.
La " Manufacture Belge de fils de fantaisie " située au Pont
et fondée par la famille Dupont, compte 12 ouvriers et s'occupe de bobinage,
canetage, retordage, dévidage, fils de fantaisie et mercerie. Elle traite
aussi, outre le coton, d'autres fibres textiles artificielles ou naturelles. Depuis
la première guerre mondiale, le lin n'est plus traité dans les filatures
de nos régions.
Les filatures doivent faire face à un problème d'une acuité
singulière : celui du recrutement de la main d'œuvre.
2. LE TISSAGE DE LA LAINE.
La Fabrique de laine MM. De SMEDT.
" Le mardi, 10 juin 1907, Monsieur le Doyen Devroede et Monsieur le vicaire Fontaine, Révérend curé de Brasménil, ont procédé à la bénédiction de la nouvelle fabrique de laine annexée au moulin à vapeur de MM. Fontaine Frères. La fabrique est en marche. Une vingtaine de jeunes filles et quelques ouvriers y sont occupés. Tous les Ellezellois sont heureux d'apprendre cette nouvelle en souhaitant le meilleur succès aux nouveaux fabricants. Quoique arrivée tout récemment dans notre commune, l'honorable famille De Smedt a déjà su s'acquérir l'estime et la sympathie générale. "
Entreprises ayant occupé plus de 10 ouvriers en 1957.
Les établissements Jean Vinois-Moreau et fils comptent 117 ouvriers
et 19 employés et fabriquent des tissus de laine, coton et rayonne.
Meunier Frères : 35 ouvriers et 4 employés produit des tissus de
laine et de coton.
La Drapière de la Vallée : 41 ouvriers et 3 employés fabrique
de la draperie fantaisie pour hommes.
Lucien et Agnès De Becq : 19 ouvriers et 2 employés produit des
tissus costumes pour hommes et garçonnets et pour cérémonies.
Nous pouvons considérer ce groupe important de 4 usines comme une excroissance
du centre textile de Renaix. Causes de la pénurie de la pénurie
de main-d'œuvre ouvrière :
La dévalorisation, sur le plan social, du travail manuel incite les jeunes gens et les jeunes filles à rechercher un emploi d'ordre intellectuel même s'ils n'ont pour lui que peu de dispositions naturelles.
L'instabilité de l'emploi qui a caractérisé l'industrie textile au cours de ces dernières années en détourne la jeune main d'œuvre.
Les besoins en main d'œuvre féminine sont plus importantes en raison de la forte représentation du textile, activités essentiellement féminines.
Une importante entreprise de vente directe de produits textiles au consommateur occupant des centaines d'employés et d'ouvriers a réussi à créer des conditions sociales et matérielles de travail, qui polarisent toutes les aspirations de la main d'œuvre juvénile, surtout féminine, en matière d'emploi.
Les industriels s'efforcent de s'adapter à cette situation en recourant aux moyens suivants :
- Mise au travail de jeunes apprentis en lieu et place du personnel.
- Retour du travail à domicile : le piqûrage particulièrement (Une spécialiste, Melle Meurisse de Renaix donnait des cours de piqûrage à l'école communale de filles).
- Une école textile, annexe de l'école provinciale des textiles du Tournaisis est installée dans un local de l'usine Dupont.
- Production : La gamme de production est assez étendue et souvent orientée
vers les tissus de fantaisie. Les établissements Jean Vinois-Moreau et
Meunier Frères tissent également le coton.
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3. LES TEINTURES ET APPRETS.
Seuls, les Etablissements Jean Vinois et Fils ont cette entreprise à Ellezelles
et son importance n'est pas négligeable.
La main d'œuvre ne subit pas beaucoup de problèmes de recrutement.
La teinturerie souffre de morte-saison pendant les mois d'avril et mai.
Le personnel et les cadres sont formés à l'usine.
Ces départements " teinturerie et apprêts " traitent en
ordre principalement les fils de laine et de coton à l'usage de la bonneterie,
du tissage et de la mercerie.
Les établissements Jean Vinois-Moreau et fils occupent 17 ouvriers et 2
employés.
4. LES AUTRES INDUSTRIES TEXTILES.
Ce sont des tissages de coton qui s 'apparentent aux tissages de la laine.
Le Piqûrage ou rentrage des tissus est une activité entièrement
spécialisée.
- TISSAGE DE COTON.
Vanderaspoilden-Casière compte 22 ouvriers et 4 employés. Il confectionne des essuie-mains et des tissus éponge.
Vanderaspoilden-Dupire occupe 20 ouvriers et fabrique des essuie-mains, éponge, lavettes et chamoisettes. Il donne du travail à domicile.
Les tissages de coton sont des entreprises de type artisanal et ne groupent jamais plus de 30 personnes. - PIQURAGE.
Connu aussi sous le nom de rentrayage est une opération qui consiste à corriger les défauts que présentent les pièces de tissus au sortir des métiers.
Il n'y avait pas d'entreprises de piqûrage à Ellezelles. Les usines textiles portaient les pièces de tissus à domicile où le travail est réalisé entièrement à la main et par du personnel féminin.
5. LA CONFECTION.
Le vêtement pour homme n'est pas confectionné dans notre
commune.
Seule l'entreprise Pierre André qui compte 48 ouvriers et 2 employés
confectionne des vêtements de dessus et de dessous pour dames. (L'interlock
: slips et chemisettes).
6. EVOLUTION :
En 1948, il y avait 740 ouvriers travaillant dans 12 usines textiles.
En 1972, voici la situation :
L'Imprimé textile (Doutreluigne) compte 16 ouvriers.
Le tissage mécanique de la Drapière de la Vallée emploie
54 ouvriers.
La Manufacture Belge de fils fantaisie (Lucien Dupont) occupe 20 ouvriers dans
sa filature.
Meunier-Frères : 36 ouvriers.
Vanderaspoilden - Casières : 12 ouvriers.
Vanderaspoilden - Dupire : 12 ouvriers
Vinois-Moreau S.A. : le tissage mécanique emploie 73 ouvriers.
7. Fin de l'industrie textile à Ellezelles
En décembre 1984, des anciens ouvriers émus assistent à la
démolition de la cheminée des établissements Jean Vinois-Moreau
et Fils. Elle avait plus de 25 mètres de haut et datait de 1922. Elle régnait
sur des bâtiments édifiés au cours de 112 années.
Que sont devenues ces cheminées et ces usines qui firent la fortune des
habitants d'Ellezelles ?
Il reste une moitié du fut de la cheminée de l'usine Dupont.
Les usines ont connu des destins très différents : des commerces,
des grandes surfaces, des garages, des bureaux de sociétés diverses,
une salle socioculturelle …. Elles laissent dans la mémoire collective
du village des souvenirs qui sont bien loin de s'éteindre.
Louis Beaucamp.
Pour en savoir plus, lisez le n° 5 des Annales du Cercle d' Histoire d'
Ellezelles et la Région
(C.H.E.R.)