LE DIABLE VERT.
UNE EMEUTE A ELLEZELLES, le vendredi 18 octobre 1918.
Vers 9 h. du matin, Plusieurs centaines de prisonniers anglais venant de Renaix, passent par la Place d'Ellezelles où se tient, en ce jour, le marché hebdomadaire. Les habitants, pris de pitié, à l'aspect misérable de ces prisonniers, s'empressent de leur apporter des aliments de toutes sortes. Mais le brigadier de la gendarmerie locale Linger, surnommé le Diable Vert, repousse brutalement la foule qui le hue ; des femmes, des vieillards, des enfants sont renversés et piétinés. M. Félix Degand est frappé d'un coup de baïonnette à la tête. C'est alors que René Decubber, n'écoutant que sa colère et son courage se rue sur le brigadier et le culbute de son cheval (c'est depuis lors que René fut appelé le Diable Vert). On se venge de cet individu qui, depuis deux ans, pille et terrorise la population. Il appelle au secours ; aucun des soldats présents, des Polonais, ne vient à son aide. Il faut l'arrivée de quelques sous-officiers pour le dégager des mains de la foule exaspérée. Le brigadier, devenu libre, s'élance, le coutelas levé, vers M. l'abbé Haustrate, inspecteur de l'enseignement, et le frappe de plusieurs coups de poignard. L'inspecteur, couvert de sang, est conduit à la gendarmerie où des agents de la Croix Rouge le soumettent à un pansement sommaire. Après quoi le farouche brigadier l'a roué de coups ! Sur la Place la foule grossit toujours ; les dons en argent et en nature affluent. Un officier allemand pour l'effrayer tire deux coups de revolver en l'air. Le truc réussit, mais les habitants vont rejoindre le défilé des prisonniers vingt mètres plus bas. Un officier anglais témoigna la reconnaissance de ses compatriotes par ces paroles que nous aimons à redire : " Nous remercions la population ellezelloise de son généreux accueil ! Nous ne l'oublierons pas. Et encore merci ".
Ordre fut incontinent donné aux habitants de rentrer dans leurs maisons, d'en fermer les portes et de n'en plus sortir jusqu'à nouvel ordre. Des patrouilles parcourent les rues du village et interdisent tout rassemblement.
Vers midi M. Haustrate est conduit à Flobecq par six gendarmes. Le brigadier à cheval le suit de près, pour le forcer à accélérer le pas. Enfermé dans la prison de Flobecq, M. Haustrate, grâce à l'intervention d'un officier supérieur, est autorisé à habiter chez son beau-frère, en attendant qu'il doit statué sur son sort. Peu de jours après, sans autre forme de procès, il réintégra son domicile à Ellezelles.
Note : Gilbert Decubber, le fils de René, surnommé le fils du Diable Vert fut tué à Synghem le 20 mai 1940. Il était âgé de 20 ans.
(Extrait de Mélanges politiques, historiques et philosophiques d'Emmanuel Degand et recherche de Louis Beaucamp)
Louis Beaucamp